top of page

Mes Moires de Pontormo 

dessins encollés sur plaque d’acier vernie,  94 x 107 cm., 1999-2001

(techniques mixtes sur feuilles moisies imbibées d’huile d’olive ou de beurre – mines de plomb, brou de noix, encre de chine, pastels gras, cendres, cire, vernis gomme laque blond, pansements, micropore, sang des menstrues, etc.)

   J’aime Pontormo inconditionnellement ; son œuvre me parle au ventre. Par son œuvre, je dis : une vie, les mots d’une fin de vie - à savoir le diario, les peintures et les  fresques, un dessin éperdu où je me perds, et les mots de Jean-Claude Lebensztejn.

C’est une respiration communiante, quelque chose que je devine enfoui en moi par-deçà les siècles, dans l’anachronisme de pathos intimes.

C’est bien sûr une fiction, mais je choisis cette fiction qui me tombe dessus. Ce choix est réel. Cette fiction est un des trous de la lorgnette par lequel je veux bien ausculter  mon travail.

Je pleurais sans savoir ce dessaisissement face à la Déploration. Je ne savais pas encore cette immense consolation, une sorte d’ancrage flottant en ce qui meut intestinalement ma quête artistique. Cela, ça part du ventre, pas de la tête. C’est une histoire de gestation, filiation autre, renouée au creuset d’un fantasme désirant, mon désir de vivre, quoi qu’il fut, quoi que je sois.

Quelque chose, là, commence vraiment, à l’aveugle, dans mon travail de création.

 

*

 

Je tombe en amour du Pontormo.

C’est une chute, c’est aussi l’inévitable rencontre qui me rive aux regards éplorés : «des yeux ronds comme des œufs » (1). Descente de croix. Eglise Santa Felicità, juste après Ponte Vecchio. C’est une église étrangement désertée ; les heures d’ouverture sont restreintes, menues. Le temps est compté. Mais le temps s’arrête dans l’église. (…)

La figure de l’éploration dans la déploration  colle à ma pupille. Elle est mon éploration, ma déploration - perte qui colle à ma peau en souvenance des étreintes perdues. Autrefois j’y verrai une affectation. Aujourd’hui – et c’est aujourd’hui depuis – je crois savoir l’émoi désorienté  de la vie, son désastre

                                                                                                           /certains soirs me tombent sur la nuque (…)

J’aime Pontormo dans l’évidence d’une communion inespérée, lieu où partager de soi à soi l’image altérée de l’autre en soi, et ses figures du désastre.

Jean-Claude Lebensztejn a volé mes mots bien avant que je ne rencontre Jacopo da Pontormo, bien avant que je ne sache l’existence de son texte. Je suis un peu  jalouse. Mais les mots de Lebensztejn ouvrent l’espace hanté, envoûté et organique du diario. J’y puise terreusement de quoi consumer la perte en semence de ce qui sera un jour mon hommage à Pontormo, je me noie dans la figure chavirée au regard qui tance toujours. Ce regard déchire le visible, mon regard se déchire en ce regard

                                                                                                     « des yeux ronds comme des œufs ». (…)

C’est un songe ouvert, poreux, où je mesure l’infranchissable distance et l’immédiate empathie. Décidemment, l’art est cette étrange consolation, comme une promesse qu’on n’a pas trahie.

Toujours je reviens à Pontormo, c’est seulement revenir à moi-même….

 

Note

(1) Jean-Claude Lebensztejn, Jacopo de Pontormo, Paris,  ed.. Aldines, 1992,  p.77.

Titre 1

                              Mes Moires de Pontormo, détails : Le Regard du mort - Esquive

Mes Moires de Pontormo, détails : Fascinus - De l'humus des morts germent les fleurs 

Mes Moires de Pontormo, détails : De l'humus des morts germent les fleurs 

Mes Moires de Pontormo, détails : Les yeux bandés, cependant voir - De l'humus des morts germent les fleurs

bottom of page