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sabÿn

Les Liqueurs II

matériaux & substances maraboutés, suspension, 2012

Enveloppes/panse :
panser ma mémoire dans l’usure des draps, la déchirure du souffle 

     Panser, recouvrir, envelopper, emmailloter, sont des gestes qui contribuent à brouiller les frontières entre contenant et contenu selon des figures de disséminations, tramages, dissipations : enchevêtrement des substances et nimbe de paraffine ; perméabilités des strates lorsqu’elles s’immiscent. Je mêle aux liqueurs du geste l’informe sinueux des fils de chanvre, mèches de coton, cheveux empreints de paraffine, gazes embaumées. Cela procède d’une superposition de couches, sédimentation à venir, archéologie d’un devenir comme revenir aux sources enfouies d’un noyau paradoxal. Dans Être crâne, Georges Didi-Huberman écrit : "Dans l’oignon, [...] l’écorce est le noyau : plus de hiérarchie possible, désormais, entre le centre et la périphérie. Une solidarité troublante, basée sur le contact– mais aussi sur d’inframinces interstices – noue l’enveloppe et la chose enveloppée. Le dehors ici n’est qu’une mue du dedans." (1)

Il semble légitime de questionner cette étrange expérience d’une sculpture qui s’invente en partie comme stratification d’enveloppes ou de membranes – j’éprouve la sensation de nourrir et de recouvrir à la fois un lieu mouvant, émouvant, seuils instables par lesquels se forclore à l’abri des regards pour au contraire inséminer l’espace de visions intimes sans cesse déplacées. C’est aller vers une profondeur ambiguë, en ceci qu’elle s’extériorise par couches. J’imagine un ventre organique que les substances animent et meuvent à l’aveugle : visions, voyances et rêveries de la matière fruste. Témoigner de ce geste, c’est pointer ce lien singulier entre tactilité et imaginaire de la matière au creuset de substances pansantes. J’appose mes mains en surface, intuitive caresse ; j’apprivoise le souffle dormant du rêve –cela déploie, par-delà ce qui se donne à voir, une énergie vitale, thérapeutique, réceptacle d’une vie interne, secrète, intimement sécrétée. 

Note

(1)  Georges Didi-Huberman, Être crâne, lieu, contact, pensée, sculpture, Paris, Minuit, 2000, p. 19-20

crédit photographique : © Bénédicte Deramaux

© sabÿn  soulard   /  plasticienne  & poète   /  2024 /  Tous droits réservés 

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